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ET DU PETIT MÉDÉRIC

s’agita, se replia sur lui-même, se relevant d’un bout et se dédoublant de l’autre. Une tête surgit, une poitrine se dessina, le tout emmanché de deux jambes, qui, pour être démesurées, n’en auraient pas moins été des jambes dans toutes les langues, tant anciennes que modernes.

Sidoine, quand il eut ramené ses membres, s’assit sur son séant, les poings dans les yeux, les genoux hauts et écartés. Il sanglotait à fendre l’âme.

— Oh ! oh ! dit Médéric, je le savais bien, il n’y a que mon mignon dans le monde pour avoir un nez d’une telle encolure. C’est là un nez que je connais comme le clocher de mon village. Hé ! mon pauvre frère, nous avons donc aussi de gros chagrins. Je te le jure, je voulais m’absenter dix minutes au plus ; si tu me retrouves au bout de dix heures, la faute en est assurément au soleil et aux buissons chargés de mûres. Nous leur pardonnerons. Ça ! jette-moi ce dogue à la porte : nous causerons plus à l’aise.

Sidoine, toujours pleurant, allongea le bras et prit le dogue par la peau du cou. Il le balança une seconde, et l’envoya, hurlant et se tordant, droit dans le ciel, avec une vitesse de plusieurs milliers de lieues à la seconde. Médéric prit le plus grand plaisir à cette ascension. Il suivit la bête de l’œil, et, quand il la vit entrer dans la sphère d’attraction de la lune, il battit des mains et félicita son compagnon d’avoir enfin peuplé ce satellite, pour le plus grand bonheur des astronomes futurs.