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ET DU PETIT MÉDÉRIC

irrésistible envie de courir les champs. Il était las de vivre enfermé au logis, j’entends l’oreille de Sidoine, et s’ennuyait de son rôle de pur esprit. Il descendit doucement, et, son mignon dormant encore, il ne l’avertit pas de sa promenade, se promettant de ne prendre l’air que pendant un petit quart d’heure.

C’est une charmante chose qu’une fraîche matinée d’avril. Le ciel se creusait, pâle et profond, et, sur les montagnes, se levait un soleil clair, sans chaleur et d’une lumière blanche. Les feuillages, nés de la veille, luisaient par touffes vertes dans la campagne ; les roches et les terrains se détachaient en grandes masses jaunes et rouges. On eût dit, à voir comme tout semblait propre et vigoureux, que la nature était neuve.

Médéric, avant d’aller plus loin, s’arrêta sur un coteau. Après quoi, ayant suffisamment applaudi en grand l’œuvre de Dieu, il songea à profiter de la gaieté des sentiers, sans plus s’inquiéter des horizons. Il prit le premier chemin venu ; puis, quand il fut au bout, il en prit un autre ; il se perdit au milieu des églantiers, courut dans l’herbe, s’étendit sur la mousse ; il fatigua les échos de sa voix, cherchant à faire beaucoup de bruit, parce qu’il se trouvait dans beaucoup de silence ; il admira les champs en détail et à sa façon, qui est la bonne, regardant le ciel par petits coins à travers les feuilles, se faisant un univers d’un buisson creux et découvrant de nouveaux mondes à chaque détour des haies ; il se grisa pour trop boire de cet air pur et un peu froid qu’il trouvait sous les allées, et finit par s’ar-