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ET DU PETIT MÉDÉRIC

qu’une grosse bêtise, l’armée entière se mit à chanter en chœur :

— Vive Sidoine Ier, roi des Bleus !

Ce fut, dix minutes durant, un vacarme effroyable. Pendant ce temps, Sidoine, de plus en plus civilisé, prodiguait les révérences.

Les soldats parlèrent de le porter en triomphe. Mais le prince des orateurs, ayant rapidement calculé son poids à vue d’œil, leur démontra les difficultés de l’entreprise, et se chargea de terminer avec lui. Il lui rendit hommage comme à son roi, au nom du peuple, et lui conféra les titres et les privilèges de sa nouvelle position. Il l’invita ensuite à marcher en tête de l’armée, pour faire son entrée dans son royaume, distant d’une dizaine de lieues.

Cependant Médéric se tenait les côtes et pensait mourir de rire. Son propre discours l’avait singulièrement égayé, et ce fut bien autre chose, lorsque Sidoine s’acclama lui-même !

— Bravo, Majesté mignonne ! lui dit-il à voix basse. Je suis content de toi et ne désespère plus de ton éducation. Laisse faire ces braves gens. Essayons du métier de roi, quittes à l’abandonner dans huit jours, s’il nous ennuie. Pour ma part, je ne suis pas fâché d’en tâter, avant d’épouser l’aimable Primevère. Or ça, continue à ne pas faire de sottises, marche royalement, contente-toi des gestes et laisse-moi le soin de la parole. Il est inutile d’apprendre à ce bon peuple que nous sommes deux, ce qui pourrait l’autoriser à se