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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

mide s’écroulait sur eux, ne pouvant s’imaginer que des poings d’homme eussent autant de ressemblance avec des pierres de taille.

Médéric, émerveillé de ce fait d’armes, se trémoussait d’aise ; il battait des mains, se penchait au risque de tomber, perdait l’équilibre et se raccrochait vite à la mèche de cheveux. Enfin, ne pouvant rester muet en de telles circonstances, il sauta sur l’épaule du héros et s’y maintint, en se tenant au lobe de l’oreille ; de là, tantôt il regardait dans la plaine, tantôt il se tournait pour crier quelques mots d’encouragement.

— Oh la la ! criait-il, quelles tapes, mon doux Jésus ! quel beau bruit de marteaux sur l’enclume ! Ohé, mon mignon ! frappe à ta gauche, nettoie-moi ce gros de cavalerie qui fait mine de détaler. Eh ! vite donc ! frappe à ta droite, là, sur ce groupe de guerriers chamarrés d’or et de broderies, et lance pieds et poings ensemble, car je crois qu’il s’agit ici de princes, de ducs et autres crânes d’épaisseur. Pardieu, voilà de rudes taloches : la place est nette, comme si la faux y avait passé. En cadence, mon mignon, en cadence ! Procède avec méthode ; la besogne en ira plus vite. Bien, cela ! ils tombent par centaines et dans un ordre parfait. J’aime la régularité en toute chose, moi. Le merveilleux spectacle ! dirait-on pas un champ de blé, un jour de moisson, lorsque les gerbes sont couchées au bord des sillons, en longues rangées symétriques. Tape, tape, mon mignon, et ne t’amuse pas à écraser les fuyards un à un ; ramène-les-moi vertement par le