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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

furtivement à l’horizon s’il ne trouverait pas un sujet qui lui permit d’interrompre l’orateur d’une façon polie. Comme celui-ci se taisait, il aperçut un peu tard, deux troupes d’hommes, se montrant aux deux bouts opposés de la plaine.

— Frère, dit-il, les morts m’ennuient. Apprends-moi quels sont ces gens qui viennent à nous.



IV

les poings de Sidoine


J’ai oublié de te dire qu’il pouvait être midi, lorsque nos voyageurs discouraient de la sorte, assis sur une des grandes pyramides. Le Nil roulait lourdement ses eaux dans la plaine, pareil à la coulée d’un métal en fusion ; le ciel était blanc, comme la voûte d’un four énorme chauffé pour quelque cuisson gigantesque ; la terre n’avait pas une ombre et dormait sans haleine, écrasée sous un sommeil de plomb. Dans cette immense immobilité du désert, les deux troupes, formées en colonnes, s’avançaient, semblables à des serpents glissant avec lenteur sur le sable.

Elles s’allongeaient, s’allongeaient toujours. Bientôt ce ne furent plus de simples caravanes, mais deux armées formidables, deux peuples rangés par files démesurées qui allaient d’un bout de l’horizon à l’autre,