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SŒUR-DES-PAUVRES

tiles, ainsi qu’on aurait pu l’attendre d’une bambine de son âge, mais bien meubles solides, pièces de toile, chaudrons de cuivre, tout ce que souhaite dans ses rêves une ménagère de trente ans.

Lorsque les trois charrettes furent pleines, elle vint les faire ranger auprès des bœufs et de la charrue. Alors elle comprit que la chaumière était bien misérable, bien petite, pour contenir ces richesses, et elle eut du chagrin de ne pouvoir acheter une ferme, non pas qu’elle manquât d’argent, mais parce qu’il n’y avait point de ferme dans cette partie du pays. Elle résolut d’appeler les maçons et de leur faire bâtir une grande habitation, sur l’emplacement même de la pauvre demeure. Mais en attendant, comme elle était pressée, elle se contenta de verser sur le sol, devant les charrettes, quelques tas de gros sous, pour payer les frais de bâtisse.

Elle fit si bien, qu’elle ne mit pas une heure à tout disposer de la sorte. Guillaume et Guillaumette dormaient encore, n’ayant entendu ni le bruit des roues ni le fouet du garçon de ferme.

Alors, Sœur-des-Pauvres s’approcha de la porte, ayant aux lèvres un fin sourire, car elle avait parfois l’espièglerie du bien. Elle s’était hâtée un peu par malice ; elle s’applaudissait d’avoir réussi à devancer le réveil de ses parents.

Elle donna un dernier regard à ses achats, puis se mit à crier, en frappant dans ses mains de toutes ses forces :