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SŒUR-DES-PAUVRES

lézardé, n’avait pas assez de trous pour eux, et ils étaient là, se poussant, s’écrasant dans les fentes.

Guillaume et Guillaumette, fous d’épouvante, couraient, emportés dans le vertige de cette étrange création. À droite, à gauche, de toutes parts, ils hâtaient l’éclosion de nouveaux êtres. De leurs doigts ruisselait la vie. Le flot vivant montait. Ce trésor, où tantôt se mirait la lune, n’était plus qu’une masse noirâtre qui se mouvait lourdement, se soulevant, s’affaissant sur elle-même, comme fait le vin dans la cuve.

Bientôt pas un gros sou ne resta. Le tas en entier s’était animé. Alors Guillaume et Guillaumette, ne prenant plus que reptiles, s’enfuirent en se jetant à la face deux poignées de couleuvres.

Et, comme s’ils avaient emporté tous les monstres dans ces deux dernières poignées, le grenier se trouva vide. Sœur-des-Pauvres, n’ayant rien entendu, dormait, calme et souriante.



VI


À son réveil, Sœur-des-Pauvres eut un remords. Elle se dit qu’elle était allée bien loin chercher la misère du pays entier, sans songer à soulager celle de son oncle et de sa tante.

La chère enfant avait compassion de toutes les souf-