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SŒUR-DES-PAUVRES

puiser sept fois dans le sac, tant elles étaient longues et larges. Puis elle dit à la petite de prendre une dernière poignée de monnaie, et s’éloigna.

Elle avait hâte d’arriver devant l’église, près des bancs de pierre où les pauvres se réunissaient le matin ; la maison de Dieu les abritait des vents du nord ; le soleil, à son lever, donnait en plein sous le porche. Elle dut encore s’arrêter. Au coin d’une ruelle, elle trouva une jeune femme qui avait sans doute passé la nuit là, tant elle était transie et grelottante ; les yeux fermés, les bras serrés sur la poitrine, elle paraissait dormir, n’espérant plus que dans la mort. Sœur-des-Pauvres se tenait devant elle, la main pleine de sous, ne sachant comment lui donner son aumône. Elle pleurait, pensant être venue trop tard.

― Bonne femme, disait-elle, ― et elle la touchait doucement à l’épaule, ― tenez, prenez cet argent. Il vous faut aller déjeuner à l’auberge et dormir devant un grand feu.

À cette voix douce, la bonne femme ouvrit les yeux, les mains tendues. Elle croyait peut-être dormir encore et songer qu’un ange était descendu vers elle.

Sœur-des-Pauvres gagna vite la grand’place. Il y avait foule, sous le porche, pour le premier rayon. Les mendiants, assis aux pieds des saints, tremblaient de froid, les uns auprès des autres, sans se parler. Ils roulaient doucement la tête, comme font les mourants. Ils se pressaient dans les coins, afin de ne rien perdre du soleil, lorsqu’il allait paraître.