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LES VOLEURS ET L’ÂNE

et oubliant de frapper, il le montra à son compagnon.

― Eh bien ! eh bien ! cria-t-il en courant à la rive, que veut dire cette plaisanterie ?

On m’avait parfaitement oublié derrière ma broussaille. Le bonheur et le malheur rendent égoïste. Je me dressai.

― Messieurs, dis-je aux pauvres garçons béants et effarés, vous souvient-il de certaine fable ? Cette plaisanterie veut dire ceci : On vous vole Antoinette que vous pensiez m’avoir volée.

― La comparaison est galante ! me cria Léon. Ces messieurs sont des larrons et madame est un....

Madame l’embrassait. Le baiser étouffa le vilain mot.

― Frères, ajoutai-je en me tournant vers mes compagnons de naufrage, nous voici sans vivres et sans toit pour abriter nos têtes. Bâtissons une hutte, vivons de baies sauvages, en attendant qu’il plaise à un navire de nous venir tirer de notre île déserte.



VI


Et puis ?

Et puis, que sais-je, moi ! Tu m’en demandes trop long, Ninette. Voici deux mois qu’Antoinette et Léon vivent dans le nid couleur du ciel. Antoinette est restée une bonne et franche fille, Léon médit des femmes avec plus de verve que jamais. Ils s’adorent.