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assister à l’arrestation d’un enfant. Ils auraient pu prier le sergot, avec l’autorité que confère un beau pardessus, de ne pas brutaliser le mioche. Usant encore des prérogatives qu’octroient le haut-de-forme, les gants fourrés et les breloques, rien ne leur eût été plus facile que de suivre au commissariat l’enfant que les flics y poussaient à grands coups de poings dans le dos.


Là, tout en séchant leurs snowboots au poêle accueillant du poste, les spectateurs privilégiés auraient entendu le coupable conter sa vie au commissaire :

— Je me nomme Jean Sarnois, j’ai quatorze ans et je suis né à Annecy. À huit ans, orphelin, seul au monde, n’ayant pour tout bien que ce que j’avais sur le corps, j’ai quitté mon pays natal et je suis venu à pied à Paris, où j’ai travaillé honnêtement pour gagner mon pain comme ramoneur ou chiffonnier. Dans un hangar de la rue de Belleville où on me laisse coucher, j’ai pleuré bien souvent ; oui, j’ai volé, c’est vrai, et voilà pourquoi : j’ai fait il y a deux ans environ la connaissance d’une petite fille de mon âge ou à peu près, elle a quinze ans, orpheline comme moi et comme moi s’occupant à chiffonner. Nous étions si malheureux que nous résolûmes d’unir nos deux misères. Nous nous aimions bien et nous vivions comme frère et sœur ; elle couchait