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— Je meurs de faim, dit l’homme, je ne peux plus durer comme ça ; monsieur le major, je vous en supplie, faites-moi donner une ration de pain.

— Du pain ? s’exclame le lieutenant, est-il gourmand, le gaillard !

L’homme eut un sursaut, un coup de rage, et, d’un geste vers l’officier, il effleura son képi. Le lieutenant bondit, arracha au sergent de service qui, je dois le dire, résistait un peu, le revolver d’ordonnance, et fit tomber roide à ses pieds l’homme qui réclamait du pain.


Un autre détenu, témoin de la scène, se précipita contre l’assassin : deux balles l’abattirent près du mort.

Cette seconde victime du drame ne fut que blessée grièvement.

À l’hôpital de Bône, sœur Marie, une belle âme, une noble femme, comme égarée en cet enfer, à force de soins et de dévouement, sauva le malheureux garçon.

Mais la geôle ne le lâcha pas.

Le conseil de guerre le condamna à mort — à mort comme son compagnon. Et ce fut seulement à la prière du médecin-major Mathelin que cette peine se commua en vingt années de travaux publics.