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Et, maintenant, vieilli, épuisé, hâve, le souffle court et l’œil brillant, il me disait de sa voix creuse :

— Ils ont eu la graisse, pas la peau.

Combien l’ai-je entendu de fois, sous le ciel africain, cet âpre cri d’évadé ? Et pas toujours prononcé par les revenants des maisons de force, par les irréguliers de la Discipline ; mais au départ de la classe, quand les Chasseurs, mes camarades, quittaient El Aghouat ou Blidah.

— Ils ont eu la graisse, pas la peau !


Il faut bien qu’il y ait des hommes qui sortent ainsi de ces bagnes pour dire comment meurent ceux qui restent.

Je sais.

C’est à Bône, à l’atelier des travaux publics, no 6. La visite est sonnée. Le médecin-major Mathelin est là. À sa droite, un lieutenant-adjoint, dont ma mémoire en défaut m’empêche de cracher le nom, asticote de ses observations tous les malades qui se présentent :

— C’est un carottier celui-ci, ne l’écoutez pas, docteur.

Un homme, puni de cachot, arrive escorté du sergent de planton et d’un factionnaire, sabre au clair :