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avait, en secret, travaillé sans relâche à réunir les éléments de la revision du procès scandaleux qui flétrissait son parent.


Encouragé à la persévérance par l’exemple du cas de Pierre Vaux, il savait que la justice est immanente, si elle n’est pas pressée. Il avait pris son tour.

Or, son tour était arrivé.

Il allait parler. Il allait confondre la perfidie, dévoiler les basses intrigues, rendre l’honneur à feu l’avoué, lorsque tout à coup, patatras ! on jeta dans ses jambes présidentielles le sot paquet de l’affaire Dreyfus.

Notre Félix est un homme du peuple. Le sang généreux qui court en veines bleues sous ses guêtres blanches est trop chaud pour lui permettre de cacher son mécontentement :

— Partie remise, pensa-t-il, et que Dreyfus aille au Diable, qu’il reste à l’Île et qu’on me fiche la paix. C’est la guigne, c’est la guigne noire. Je ne me mêle plus d’affaires comme ça. Pourtant Belluot n’est pas coupable…


Et le président se prit à rêver. Il songea qu’en dépit de certains succès, il n’avait jamais eu vraiment la veine dont il était digne. Son front s’assombrit chargé des nuages du souci. Le petit