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l’ensemble des faits et des preuves. Parmi les pièces à conviction, il y a des lettres de détenus, il y en a même de gardiens — les témoins ne sont pas anonymes. Sans doute Fournière lira cette lettre que je publie, telle quelle, ici ; elle émane d’un jeune « colon » rendu à la vie depuis peu et qu’hier je ne connaissais pas. Avec dix autres, aujourd’hui, l’enfant est prêt à parler.


Paris, le 23 novembre.
Monsieur,

J’ai lu la Feuille, intitulé l’Enfant martyr, dans laquelle vous dévoiler sous les yeux du public les abominables tortures que les enfants subissent à Aniane.

Eh bien, ce que vous racontez est véridique, puisqu’à l’époque où se passait toutes ces infamies j’étais encore le pensionnaire du cruel bourreaux qui dirige ce lieu de torture. J’ai connu toutes les victimes dont parle votre feuille, et particulièrement Tissier. Je peux vous affirmer que les gardiens, notament Berlingué, l’ont frappé jusqu’à ce qu’il tombe, et une fois par terre ils s’acharnaient encore sur lui.

Tenez, moi qui justifie les faits que vous avez la franchise de dévoiler, je vais vous en raconter un qui rien que d’y penser fait frémir d’horreur.

Le 1er novembre 1897, un jeune pupille, ayant à se plaindre de la sévérité des surveillants à son égard, résolu d’en finir avec ses souffrances : le soir du même jour nous nous trouvions tous réunis sur la cour, quand tout à coup le bruit d’un corps tombant dans l’eau se fit entendre (car il y a un énorme bassin dans la cour). Il y eut parmi nous une minute d’angoise et comme je me trouvais là je m’élance avec plusieurs de mes camarades pour retirer notre ami Leinen