Page:Zevort - Romans grecs 2.djvu/372

Cette page n’a pas encore été corrigée
362
LUCIUS.


site à la femme qui m’avait aimé quand j’étais âne ; car je me disais qu’en homme je lui semblerais maintenant beaucoup plus beau. Elle me reçut gracieusement, charmée, je suppose, de la bizarrerie de l’aventure, et m’invita même à dîner et à coucher avec elle. J’acceptai, car j’aurais cru manquer aux convenances, après avoir été aimé quand j’étais âne, de £aire le dédaigneux une fois redevenu homme, et de méconnaître mon amante d’autrefois. Je dîne donc avec elle, je me couvre de parfums et je me couronne d’une guirlande de ces précieuses roses qui m’avaient rendu à l’humaine nature. La nuit venue, et le moment de se coucher arrivé, je me lève de table, et, croyant faire merveille, je me déshabille et me mets tout nu devant elle, persuadé que je lui plairais bien davantage ainsi, par la comparaison avec l’âne. Mais lorsqu’elle vit que j’avais tout d’un homme, elle cracha sur moi avec dédain : « Vite, déguerpis, me dit-elle ; hors de ma maison, et va te coucher au plus loin d’ici. — Quel si grand crime ai-je donc commis ? lui dis-je. —.Ce n’est pas toi, reprend-elle, par Jupiter, c’est ton âne que j’ai aimé ; c’est avec lui que j’ai couché et non avec toi ; je croyais que tu aurais du moins conservé, que tu porterais encore ce grand, ce magnifique attribut de l’âne ; mais, au lieu de ce charmant, de cet excellent animal, je te retrouve transformé en singe. » Sans plus tarder, elle appelle ses domestiques et me fait jeter dehors par les épaules. Ainsi mis à la porte, tout nu, couronné et parfumé, je me couche à la belle étoile devant la maison, sans autre chose à embrasser, sans autre compagnie de lit que la terre nue. Au point du jour, je cours, nu comme je suis, au vaisseau, et je raconte en riant mon aventure à mon frère. Quelques temps après un vent favorable souffle de terre, nous mettons à la voile, et en peu de jours j’arrive dans ma patrie. Là je sacrifie aux Dieux libérateurs et je consacre des offrandes, heureux d’être enfin rendu