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LUCIUS.


baudet qui m’enveloppait ; l’âne de tout-à-l'heure disparaît, et voilà mon Lucius, debout, tout nu devant le public. A la vue de ce prodige auquel personne ne s’attendait, ce fut une exclamation, un étonnement, un tumulte général. Le théâtre se partagea en deux camps : les uns veulent me brûler vif sur place, comme sorcier, enchanteur, monstre à formes diverses ; les autres sont d’avis de m’écouter d’abord parler, de voir ce que je pourrai dire, et de décider ensuite en conséquence. Pour moi, mon premier mouvement fut de courir du côté du préfet de la province, qui se trouvait ce jour-là au spectacle, et de lui crier d’en bas qu’une femme thessalienne, esclave d’une autre thessalienne, m’avait changé en âne en me frottant d’une drogue enchantée : je le priais de me tenir sous bonne garde jusqu’à ce que je lui eusse prouvé la vérité du fait.

LV. « Dis-nous un peu, reprit le préfet, ton nom, le nom de tes parents et de les proches, de ceux enfin que tu prétends te tenir par quelque côté ; nomme la patrie. — Mon père, répondis-je, s’appelle, mon surnom est Lucius, celui de mon frère Caïus ; les deux autres noms nous sont communs à l’un et à l’autre. J’ai composé des histoires et d’autres écrits ; il est auteur élégiaque et bon poëte. Notre patrie est Patras d’Achaïe. » A ces mots, le juge s’écrie : a Tes parents sont mes meilleurs amis, j’ai reçu l’hospitalité dans leur maison et ils m’ont renvoyé comblé de présents. Je sais personnellement que tu ne mens pas en te disant leur fils. » Et, s’élançant de son siège, il me serre dans ses bras, me couvre de baisers et m’emmène chez lui. Sur ces entrefaites, arrive mon frère avec de l’argent et tout ce qui m’est nécessaire ; le préfet, en présence de toute l’assistance, me déclare libre et me remet à lui. Nous nous rendons au bord de la mer ; nous y rencontrons une barque et nous y déposons nos bagages.

LVI. Cependant il me prit fantaisie d’aller faire vi-


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