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LUCIUS.


prendre par la longe et à m’attirer vers le lit. Moi qui n’avais guère besoin d’être excité, animé que j’étais par le vin vieux que J’avais bu en quantité, aiguillonné par l’odeur des parfums, enflammé par la vue d’une femme fort gentille de tout point, je me laisse faire et je me couche. Mais j’étais fort empêché de savoir comment m’y prendre avec elle, car depuis ma transformation en âne, je n’avais pas goûté les plaisirs de l’amour, même ceux à l’usage des ânes ; bref, je n’avais approché aucune ânesse. Autre chose encore me troublait fort ; je me disais que la bonne dame n’y pourrait suffire, quoi qu’elle en eût, que j’allais la blesser et me faire une mauvaise affaire comme meurtrier. Je ne savais pas à quel point je me tourmentais à tort : après m’avoir couvert de baisers, le plus amoureusement du monde, voyant que je n’en venais pas au but, malgré ses provocations, elle me serre contre elle, m’enlace dans ses bras comme un homme, se soulève et… me prouve la vanité de mes craintes. Moi, niais, j’avais encore peur et je me retirais doucement ; mais elle se serrait à mol pour me retenir, elle me suivait dans ma fuite. Quand il fut bien établi pour moi que j’étais encore loin de compte, pour satisfaire et contenter la dame, je n’y fis plus tant de façons et je la servis à gré, me disant intérieurement que je valais bien l’amant de Pasiphaë. Elle était si fort amoureuse, si infatigable au plaisir, qu’il me fallut consacrer à son service la nuit tout entière, sans qu’elle me fit grâce de rien.

LII. Au jour, elle se leva et partit, après être convenue avec mon gardien du même prix pour les nuits suivantes. Lui, enrichi par mes talents, désireux d’ailleurs de montrer à son maître quelque nouvel exploit de moi, il continue à m’enfermer avec ma belle amoureuse, qui en use vaillamment, largement avec moi. Puis, un beau jour, il va trouver son maître, lui dit la chose, et se vante de me l’avoir lui-même apprise. Le soir, sans que je me doute de rien, il l’amène à la porte