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et semblait presque se réveiller de la mort. Il n’en brillait pas moins d’une beauté virile ; le sang qui couvrait sa joue en relevait l’éclatante blancheur. L’abattement appesantissait ses paupières, et pourtant la jeune fille attirait à elle ses regards ; une seule chose pouvait forcer ses yeux à voir, c’était de la voir elle-même. Il recueillit un peu ses esprits, et, exhalant un soupir du plus profond de sa poitrine, il lui dit d’une voix languissante : « ma douce amie, es-tu véritablement sauvée, ou bien as-tu été, toi aussi, victime de la guerre ? Serait-ce que tu ne peux supporter, même après la mort, d’être séparée de moi, et que ton ombre et ton âme veillent encore sur mon infortune ? — De toi dépend mon sort, reprit la jeune fille, mon salut ou ma mort : vois ceci (et elle lui montrait une épée sur ses genoux), si elle ne m’a point frappée jusqu’ici, c’est que tu respirais encore. » Elle dit, et déjà elle a quitté son siége de pierre ; elle est debout. À cet aspect, les brigands qui la contemplaient du penchant de la montagne, avec un étonnement mêlé d’effroi, se précipitèrent çà et là sous les buissons, comme si un éclair eût ébloui leur vue ; car debout, elle avait quelque chose de plus grand, de plus divin encore. La rapidité du mouvement faisait résonner ses flèches ; sa robe, tissue d’or, resplendissait aux rayons du soleil ; ses cheveux flottaient à la manière des Bacchantes sous sa couronne de laurier et retombaient bien avant sur son dos. Ce spectacle et bien plus encore l’impossibilité de s’en rendre compte, glaçaient d’effroi les brigands. Les uns voyaient en elle une déesse, ceux-ci Diane, ceux-là Isis, adorée dans le pays ; les autres disaient que c’était quelque prêtresse, transportée de la fureur divine et auteur de cet immense carnage. Telles étaient leurs conjectures ; mais la vérité leur échappait encore.

Elle, cependant, s’était précipitée sur le jeune homme, qu’elle tenait tout entier embrassé : elle pleu-