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TRIBOULET

La nudité marmoréenne de sa chair éclatante et rose, la ligne harmonieuse de son corps cambré en une pose lascive, le rayonnement de ses cheveux blonds épars sur ses épaules, l’ardeur veloutée de ses yeux brûlants, la palpitation précipitée de son sein que soulève la passion, cet ensemble merveilleux exalte le roi, le transporte aux rêves délirants. Ce n’est plus une femme. Ce n’est plus la belle Mme Ferron. C’est Vénus elle-même ! c’est Aphrodite superbe d’impudicité, exquise de sa blondesse nue offerte toute entière aux baisers…

— Encore un baiser, mon roi…

Les deux bras nerveux de François se nouent autour de la taille souple ; il pâlit ; ses yeux se troublent ; sa bouche balbutie ; il la saisit, l’emporte à demi pâmée, et roule près d’elle, sur le lit profond comme un autel d’amour…

Au dehors, du fond de l’ombre, un homme contemple la fenêtre éclairée…

Immobile, insensible aux morsures du froid, blême, les traits contractés, cet homme regarde, de ses yeux sanglants, de ses yeux où tourbillonne en flammes éperdues la tempête d’un désespoir vertigineux…

Il balbutie d’incohérentes paroles :

— On a menti ! c’est impossible ! Madeleine ne me trahit pas ! elle n’est pas dans cette maison ! Madeleine m’aime ! Madeleine est pure !… Celui qui est venu aujourd’hui me prévenir en a menti ! C’est un vil calomniateur !… Et pourtant, malheureux, je suis là, guettant, pleurant, attendant que cette porte s’ouvre !… Ah ! que je souffre !… Peut-on souffrir à ce point !… Enfer ! il me semble que ma tête éclate !…

Dans la chambre, le roi François Ier, maintenant, s’apprête à partir.

— Vous reviendrez bientôt, mon François ? soupire la jeune femme.

— Par le ciel ! Il faudrait n’avoir pas d’âme ! Ce sera bientôt, je le jure… Adieu, ma mie… Avez-vous fait attention à ce coffret d’argent que je vous ai apporté ?

— Qu’importe, mon roi !… Revenez bientôt.

— Bientôt, certes ! C’est Benvenuto Cellini qui l’a ciselé tout exprès pour vous.

— Oh ! si vous veniez à me manquer, mon doux amant !

— J’ai placé dedans un collier de perles qui siéra à ravir à votre divin cou d’albâtre… Adieu, ma mie…

Une dernière étreinte… Un dernier baiser…