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TRIBOULET

Et les sonnailles de son bonnet à crête rouge s’agitent avec ironie.

— Pourquoi comme Phébus ? interroge le monarque surpris de la comparaison.

— Parce que, comme celle de Phébus, la tête de Votre Majesté est entourée de rayons ; seulement, les rayons sont figurés par les poils blancs de votre barbe et de vos cheveux !

Triboulet recule en secouant sa marotte et en faisant grincer son ricanement.

Les gentilshommes murmurent, indignés de tant d’audace ; mais le roi a ri, et ils rient plus fort que le roi, plus fort que Triboulet.

François Ier redresse sa haute taille aux épaules d’athlète, son buste large, fait pour les lourdes armures de chevalerie.

Il se tourna vers ses gentilshommes :

— Et toi, Essé, comment me trouves-tu ?

— Jamais Votre Majesté ne me parut plus alerte ; elle rajeunit de jour en jour !

— Comte ! comte ! glapit Triboulet, vous allez faire croire au roi qu’il retombe en enfance. Cela viendra, mais il n’a que cinquante ans encore, que diable !

— Et toi, Sansac ? demande le roi.

— Votre Majesté demeure pour nous un modèle d’élégance…

— Oui, interrompt le fou ; cependant, vous ne vous mettez pas une bosse au ventre pour mieux imiter la proéminente élégance du ventre royal ! Moi, au moins, j’en ai une au dos !

Frénétiquement, les grelots s’agitèrent.

Les courtisans dardèrent sur lui des regards haineux auxquels il riposta par des grimaces.

Le roi se mit à rire bruyamment.

— Sire, s’écria alors La Châtaigneraie avec dépit, Votre Majesté daignera-t-elle nous expliquer d’où lui vient aujourd’hui sa belle gaieté ?…

— Pardieu ! cria aigrement Triboulet, le roi songe à la paix que lui a imposée son cousin l’empereur : il ne perd que la Flandre et l’Aragon, l’Artois et le Milanais. Il n’y a pas de quoi pleurer, je pense !

— Bouffon !…

— Non ?… Ce n’est pas cela ?… Le roi songe peut-être aux massacres qui se font pour Notre Mère l’Église…