Page:Zevaco - Triboulet, 1901.djvu/3

Cette page a été validée par deux contributeurs.
TRIBOULET


I

LE ROI

— Ici, Triboulet !

Le roi François Ier, d’une voix joyeuse, a jeté ce bref et dédaigneux appel.

L’être tordu, bossu, difforme, à qui l’on parle ainsi, a tressailli ; ses yeux ont lancé un éclair de haine douloureuse.

Puis sa face tourmentée, soudain, se fend d’un large ricanement ; il s’avança en imitant le furieux aboi d’un dogue.

— Çà, bouffon, que signifient ces aboiements ? demande le roi, les sourcils froncés.

— Votre Majesté me fait l’honneur de m’adresser la parole comme à un de ses chiens ; je lui réponds comme un chien : c’est une façon de me faire comprendre, sire !

Et Triboulet salue, courbé en deux.

Les quelques gentilshommes qui sont là éclatent en folles huées.

— À plat ventre ! crie l’un d’eux. Un chien, ça se couche, Triboulet !

— Ça mord quelquefois, monsieur de la Châtaigneraie. Témoin ce coup de croc que vous a donné Jarnac… sous forme d’un soufflet !

— Misérable insolent ! rugit La Châtaigneraie pâle de fureur.

— La paix ! commande le roi en riant. Or, maître fou, parle sans déguiser : Comment me trouves-tu aujourd’hui ?

Debout devant l’immense miroir, présent de la République vénitienne, le roi François Ier se contemple et s’admire, tandis que deux valets empressés achèvent d’ajuster sa toque de velours noir à plume blanche, son pourpoint de satin cerise et son habit de fourrures.

— Sire, répond Triboulet, vous êtes beau comme le seigneur Phébus !