Page:Zevaco - Triboulet, 1901.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
TRIBOULET

D’un geste instinctif, il ramena son manteau sur son visage… comme s’il eût craint d’être vu par la femme, malgré la nuit profonde.

— Oh ! cette voix ! murmura-t-il éperdu. Où ai-je entendu cette voix sinistre !…

La femme déjà était passée, se dirigeant vers la porte Saint-Denis. Au loin sa voix retentit encore dans la nuit :

— François ! François ! Où est notre fille ?

Et elle balbutia un nom… un nom de jeune fille… un nom que François Ier n’entendit pas… ô sombre ironie des fatalités !

— Ce n’est rien, Sire, dit La Châtaigneraie, c’est une folle… elle est bien connue dans tout ce quartier de Paris… elle réclame sa fille à tout venant… On l’appelle Margentine.

— Margentine ! répéta sourdement le roi en essuyant la sueur qui coulait sur son front.

— Oui, Sire : Margentine la Folle… ou Margentine la Blonde.

— Margentine ! murmura le roi. Margentine !… Le crime de ma jeunesse !

Il s’absorba une minute en des pensées amères sans doute… car son front se plissait…

Puis, secouant la tête :

— Allons, messieurs ! dit-il brusquement.

Quelques minutes plus tard, ils passaient devant la rue de la Croix-du-Trahoir, et, cent pas plus loin, s’arrêtaient devant une maisonnette à toit pointu, entourée d’un jardin.

— C’est là ! fit le roi.

Ses yeux enfiévrés se fixèrent sur une fenêtre dont les vitraux se teintaient d’une lueur pâle.

La contemplation de François Ier dura peu.

— Convenons nos gestes, murmura-t-il en assemblant près de lui ses trois compagnons.

Laissons le roi de France préparer une infamie nouvelle…

Pénétrons dans la maison…

Dans une chambre de faible dimension, près d’une haute cheminée où quelques tisons achevaient de se consumer, une jeune fille, assise en un fauteuil, filait au rouet.

En face d’elle, plongée dans un vaste siège, dormait une vieille femme de forte stature.