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TRIBOULET

Madeleine, pétifiée, hébétée, est frappée de vertige… Tout s’effondre autour d’elle… son cœur se brise… un immense dégoût l’envahit… elle se penche, écumante, et de sa bouche crispée jaillit une farouche insulte :

— Roi de France !… Lâche !… Lâche !…

Et elle retombe en arrière, comme une masse.

Ferron, une minute, la contemple avec une tranquillité plus effrayante que sa colère. Ses mains tremblent, ses lèvres tremblent, sa tête entière tremble comme d’un hochement sénile.

Enfin, il s’accroupit près d’elle, le menton dans ses deux mains, perdu dans une muette extase de désespérance…

L’horrible tête-à-tête du mari, fou de douleur, et de la femme évanouie dure longtemps.

Que pèse le temps, dans ces profonds bouleversements de l’être, alors que tout fuit, tout meurt, hormis la douleur de vivre !…

Le tintement d’une horloge éveille Perron…

— Onze heures ! crie une voix dehors.

La voix du bourreau !…

Perron la reconnaît… un soupir atroce soulève sa poitrine opprimée…

Ses yeux errent autour de lui… Sur une table, il aperçoit le coffret d’argent, merveille de ciselure florentine, laissé par le roi… Il sourit affreusement, s’empare du bijou…

Alors, il se penche sur Madeleine, la soulève, l’emporte…

En bas, la voiture est là qui attend…

Ferron y jette sa femme.

Puis il se tourne vers le bourreau et lui tend le coffret d’argent.

— Voici le « paiement ! » dit-il d’un ton sinistre qui souligne la double entente de ce mot.

Le bourreau saisit avidement le coffret, le contemple, pousse un grognement de joie.

Alors il saute sur le siège…

Ferron monte dans la voiture…

Au galop, à travers Paris ! Au galop cocher ! Au galop, bourreau ! La course infernale éveille des échos de ferraille dans les rues noires… la voiture s’engouffre sous la porte Saint Denis qui s’est ouverte à un signal…

Hors les murs, la route est défoncée, barrée de fon-