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TRIBOULET

C’est bien son regard glacial qu’elle sent peser sur sa nuque frissonnante…

Par un suprême effort d’énergie, Madeleine parvient à reconquérir un peu de sang froid. Elle se retourne, en même temps que Ferron entre tout à fait et ferme la porte…

Lui ne dit rien…

Elle, d’une voix chevrotante, à peine perceptible, machinalement, murmure :

— Comment êtes vous ici ?…

Ferron veut répondre… La parole confuse qui s’exhale de ses lèvres n’est qu’un râle…

Alors, il fait un geste… Il montre la clef que lui a remise François Ier, et qu’il tient encore à la main. Cette clef, Madeleine la reconnaît.

Une idée terrible traverse son cerveau : Ferron a guetté le roi !… Ferron a tué le roi !…

Sa terreur tombe. Elle bondit sur son mari. Elle saisit ses deux poignets.

— Cette clef ! hurla-t-elle, cette clef !… Comment l’avez vous eue !…

Ferron devine sa pensée.

Le délire de la jalousie déchaîne en lui une furieuse colère qui étouffe son désespoir.

D’une secousse, il se débarrasse de l’étreinte de Madeleine et il la repousse. Elle va tomber près de la fenêtre, pantelante, reprise de terreur devant cet homme qui s’avance sur elle, les poings levés, en râlant :

— Malheureuse ! Je connais ton infamie et la sienne ! Cette clef ! C’est lui qui me l’a remise ! C’est ton amant ! C’est le roi !

Affolée, Madeleine se relève ouvre la fenêtre, se penche au dehors :

— François !… Sire !… À moi !…

Folie !… Ce n’est pas possible !… Son François n’a pu être infâme à ce point ! Son roi va accourir à son appel désespéré !

— À moi, mon François ! clame-t-elle.

Cette fois, le roi répond.

De sa voix railleuse, il crie :

— J’ai brisé ma ferronnière… Adieu, ma mie !… Adieu, ma belle Ferronnière !…

La voix du roi François Ier s’éloigne, chantant sa ballade favorite, et se perd parmi des rires étouffés. Plus rien : un silence tragique !