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LE BOUTE-CHARGE

Il faisait nuit. Il faisait froid.

J’entendis mes compagnons d’infortune s’étendre bruyamment sur la planche. À tâtons, je trouvai le lit de camp, m’assis sur le bord et me pris à réfléchir.

Je l’avoue franchement, je considérais alors dans une sorte de vision rétrospective la petite chambre où j’avais l’habitude de dormir, bien close, avec son lit chaud aux bonnes couvertures de laine blanche. Je songeais au bien-être calme de chez moi. Et je me laissais emporter doucement au fil de mes regrets. Mais quelque chose, au fond de moi-même, me disait de reprendre courage ; que je faisais l’apprentissage d’un rude metier et que ce n’était pas avec des pleurnicheries que je me cuirasserais l’âme et le corps.

Je fus soudain distrait du courant de ces diverses pensées par une voix de ténor jeune et fraîche qui chantait, non sans une pointe d’ironie :

Les rendez-vous de bonne compagnie
Se donnent tous dans ce charmant séjour.