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LE BOUTE-CHARGE

étroitement, — comme si la même pensée confuse et mal définie se faisait jour en eux.

Nous sommes au matin. L’air est frais, de cette charmante fraîcheur d’automne qui n’est déjà plus chargée des bouffées ardentes de l’été, mais que n’aiguisent pas encore les premières bises de l’hiver qui s’approche. Au loin, au-dessus des plaines fauves de Champagne, le soleil se lève sur les coteaux pales où luisent ces grappes aux reflets d’argent si enviées par ceux d’outre-Rhin.

L’escadron se déroule et trotte gaiment sur la belle route large plantée d’ormes. C’est un des plus délicieux moments de la vie de soldat. Les pelotons prennent des distances pour laisser tomber derrière chacun d’eux la poussière soulevée en nuages gris sous les pieds des chevaux. Les dragons bourrent leurs pipes et bavardent joyeusement. On s’intéresse aux champs d’orge, aux vertes betteraves, aux carrés pourpres des trèfles, aux épis retardataires,