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LE BOUTE-CHARGE

Ah ! gaité française ! monnaie courante du soldat ! esprit léger et consolateur qui nous cache la gravité de la situation ! Le café est préparé. Le quart fumant à la main, la pipe à la bouche, autour des feux qui sèchent le terrain, sur les cendres tièdes, on cause à voix basse. On rit de ce bon rire franc qui dilate le cœur. Oui, on ose rire ; et dans le fond de l’ombre, à quelques kilomètres, l’ennemi attend le jour pour sabrer et mitrailler. Et plus d’un forme de gais projets d’avenir, plus d’un prépare ouvertement de joyeuses aventures, qui demain, à l’aurore, sera couché dans la neige rouge, les bras en croix, les mains crispèes, le visage convulsé regardant fixement le ciel comme pour lui poser un suprême Pourquoi.

Car nous avons la bataille. Les officiers nous ont prévenus. Avec des frissons d’attente, de sourdes ardeurs qui nous battent les tempes, nous nous demandons quel événement ces champs déserts verront s’accomplir, quelles luttes vont se déployer, dans quels chocs nous