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LE BOUTE-CHARGE

taire. Et lorsque peut-être lui aussi voudrait s’occuper des questions qui préoccupent tout le monde, causer guerre, combats, gloire et revanche, le spectre de la corvée est la qui l’étreint, l’enlace, l’étouffe et le terrasse.

Je songe, non sans tristesse, à l’existence méconnue de ces humbles auxiliaires. Mais bientôt, ma pensée prend un autre cours.

Il y a contre la grille une dizaine d’individus dépenaillés, la figure blême, les yeux tirés, la casquette rabattue sur le front : ils attendent que les dragons aient fini de manger, et qu’avec les restes des gamelles on vienne emplir leur écuelle qu’ils dévorent sur place. Plus d’un cavalier descend un morceau de pain à quelqu’un de ces pauvres diables. Et il me semble qu’il y a je ne sais quoi de touchant dans le geste du dragon passant rapidement à travers la grille la tranche qu’il vient de couper à sa ration de deux jours. Involontairement, je songe aux grandes fêtes de bienfaisance données au profit des inondés du Rio-Noir, Jaune ou Bleu ; et je me demande de quel côté se