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SOUVENIRS SUR LÉNINE

l’application qu’en a faite la « gauche » est mauvaise. C’est à Paul Lévi que la « gauche » doit de s’en être si bien tirée jusqu’ici. Paul Lévi est à lui-même son pire ennemi ».

Je ne pouvais rien objecter à ces dernières paroles ; en revanche, je protestai énergiquement contre les autres déclarations de Lénine. Paul Lévi, dis-je, n’est pas un littérateur vaniteux, infatué de lui-même. Ce n’est pas un arriviste politique. Le malheur a voulu qu’on lui ait donné tout jeune la direction du parti. Mais il ne l’a pas désirée. Après l’assassinat de Rosa, de Karl et de Léo, il a été obligé de la prendre, mais il a regimbé plus d’une fois contre cette nécessité. C’est un fait. Si nos camarades ne se sentent pas en confiance avec lui, et s’il vit solitaire, je suis cependant convaincue que toutes les fibres de son être l’attachent au parti, aux ouvriers. Il a été remué jusqu’au tréfonds par cette malheureuse « action de mars ». Il était convaincu qu’elle avait étourdiment mis en jeu l’existence du parti et gaspillé ce pour quoi Karl, Rosa et Léo, et tant d’autres, avaient donné leur vie. Il a pleuré, littéralement pleuré de douleur, à la pensée que le parti était perdu. Il ne pensait pouvoir le sauver qu’en employant les moyens extrêmes. Il a écrit sa brochure dans l’état d’esprit du Romain de la légende se précipitant volontairement dans l’abîme ouvert devant lui, pour sauver sa patrie par le sacrifice de sa vie. Les intentions de Paul Lévi étaient