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PRÉLIMINAIRE.

fais embarquer mes effets ; le Vaiſſeau qui les porte, deſcend le Gange : mais la nouvelle de la guerre entre la France & l’Angleterre, le fait remonter, & déconcerte mon projet.

Quelle ſituation ! Les Livres de Zoroaſtre exiſtent ; on doit me les donner, me les expliquer ; je me ſuis ſéparé de ce que j’ai de plus cher pour enrichir ma Patrie de ce tréſor : & il faut que je le laiſſe s’éloigner de moi pour toujours, il faut que, ſans conſidération de la part du Chef, ſans état, ſans autre reſſource que des appointemens mal payés, je ſuive le ſort d’une Colonie, brave il eſt vrai, mais que je vois tomber ſous le fer des Anglois, s’ils l’attaquent ; expoſé par-là à être remené priſonnier en Europe au moment où je touche au but de mes Voyages. Ce coup me frappa ; mais je n’en montrai rien au-dehors.

Je me prêtai le moins mal qu’il me fut poſſible aux devoirs que paroiſſoit exiger de moi la qualité de François ; d’ailleurs point Courtiſan, méditant en moi-même quelque parti extrême, & devant naturellement aliéner les eſprits par une conduite peu ordinaire dans un pays, ou des projets tels que les miens, étoient à peine de beaux Romans.

Lorſque je ſçus que les Anglois marchoient contre Schandernagor, & même approchoient des Limites, la perte de ce Comptoir me parut aſſurée, ſi le ſecours que le Nabab (à ce que l’on disoit) nous avoit promis, n’arrivoit promptement. Dans la vûë de le hâter, ou du moins de ſervir ma Patrie auprès des Maures, par le moyen du Perſan moderne que je parlois, je parts le 9 Mars à dix heures du matin, laiſſe tous mes effets dans la Colonie, & me rends en quatre jours à Caſſimbazar. Cette démarche faite ſans l’aveu du Directeur, fut blâmée ; & ſi elle a été la cauſe des cataſtrophes malheureuſes qui ont empoiſonné une partie du tems que j’ai paſſé dans l’Inde, je lui dois d’un autre côté la connoiſſance de la Prequ’Iſle, l’acquiſition & la traduction des Ouvrages de Zoroaſtre.

Je paſſai le Gange à gué à Palaſſi qui eſt à douze Coſſes de Caſſimbazar. Cette Aldée n’eſt qu’une longue ſuite de Maiſons éloignées les unes des autres, dans l’eſpace d’environ