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PRÉLIMINAIRE.

conduit au tombeau, & même la dyſſenterie étoient venues des morſures de ces vers que les fruits du Pays avoient produits, & que le caffé avoit irrités contre un corps affoibli enſuite par des bains trop fréquens. Au reſte, j’ai remarqué que, dans toutes les maladies que j’ai eues, les criſes ont été plus violentes qu’à tout autre ; & que le fort du mal paſſé, je me ſuis retabli, ſans preſque paſſer par la convaleſcence.

Lorſque ma tête me permit de faire quelques réflexions, je me rappellai avec plaiſir les différens états par leſquels j’avois paſſé. Quand je fus attaqué de la fievre de Gengy, la Nature chez moi étoit encore dans toute ſa vigueur, & dans la courte convaleſcence qui la ſuivit, je ne ſongeai qu’à recouvrer mes forces, pour exécuter mes projets. Mais la dyſſenterie me trouva affoibli & preſque languiſſant ; auſſi mes idées changerent-elles dans cette ſeconde attaque. Je paſſois les nuits longues & douloureuſes qui précéderent mon agonie, dans des projets de réforme. La vie tranquille, ſérieuſe & appliquée que j’avois menée à Rhynweck (en Hollande) ſous les yeux de M. Le Gros & de M. l’Abbé D’Étémare, contraſtoit dans mon eſprit, avec ce que je ſouffrois, avec le vuide des occupations qui depuis près de deux ans, m’avoient en quelque ſorte enlevé à moi-même. Je n’aſpirois alors qu’après quelques lueurs de ſanté, pour renoncer à mes projets, & embraſſer la Vie Religieuſe pour laquelle j’avois toujours eu du goût ; & même celle de Jéſuites dans les Terres, qui s’accordoit aſſez avec le plan que j’étois venu exécuter dans l’Inde. Mais à peine la Nature eut-elle pris le deſſus, à peine me fut-il permis de manger une ſoupe, que ces idées s’évanouirent. Je fus alors tourmenté par d’autres déſirs. Certaines boiſſons, certains mets, ſe préſentoient à mon eſprit, revêtus d’une apparence de plaiſir, dont la penſée m’occupoit des journées entières ; & je n’en avois pas plutôt goûté, que le charme ceſſoit. Enfin pendant ma courte convaleſcence, je remarquai dans le changement de mes goûts, les progrès de l’enfance, de la jeuneſſe & de l’âge mûr ; les nuances du fou, du demi fou, de l’homme ſenſé : en effet, dans