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DISCOURS

vants connoiſſoient à peine les noms. Cet aſſoupiſſement général ſur un objet auſſi intéreſſant m’étonna, & je conçus dès lors l’idée du voyage que j’ai fait dans l’Inde.

En 1754, j’eus occaſion de voir à Paris quatre feuillets Zends calqués ſur le Vendidad ſâdé, qui eſt à Oxſord. Sur le champ je réſolus d’enrichir ma Patrie de ce ſingulier Ouvrage. J’oſai former le deſſein de le traduire, & d’aller dans cette vue apprendre l’ancien Perſan dans le Guzarate ou dans le Kirman. Ce travail pouvoit étendre les idées que je m’étois faites ſur l’origine des Langues & ſur les changemens auxquels elles ſont ſujettes. Il étoit encore très-propre à répandre ſur l’Antiquité Orientale des lumieres qu’on chercheroit vainement chez les Grecs ou chez les Latins.

Je crus donc, qu’au lieu de m’abandonner aux conjectures, en ſuivant les traces du ſçavant Anglois, je n’avois d’autre moyen pour réuſſir, que d’aller puiſer chez les Parſes mêmes, les connoiſſances dont j’avois beſoin. Je ſçavois encore que les quatre Vedes, Livres ſacrés des Indiens, étoient écrits en ancien Samskretan, & que la Bibliotheque du Roi étoit riche en Manuſcrits Indiens, que perſonne n’entendoit. Ces raiſons m’engagerent à préſérer l’Inde au Kirman, d’autant plus que je pouvois également y approfondir l’ancien Perſan & l’ancien Samskretan.

Je communiquai mon projet à M. l’Abbé Sallier, à M. l’Abbé Barthelemy, à M. le Comte de Caylus, à Meſſieurs Falconnet, de Bougainville & de Guignes. Ces Sçavans l’approuverent. Ils me montrerent de loin l’Académie des Belles-Lettres comme le terme de mes travaux ; ils me promirent même de parler au Miniſtre en ma faveur, & d’engager la Compagnie des Indes à ſe prêter à mes vûës. J’eus en conſéquence l’honneur d’entretenir pluſieurs fois à ce ſujet M. de Silhouette, Commiſſaire du Roi à la Compagnie des Indes ; & la maniere dont il m’écoutoit tenoit autant de l’homme de Lettres, que du protecteur des talens naiſſans.

Mais l’impatience de commencer une carriere que je prévoyois devoir être longue & ſemée de diſſicultés, ne