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ÉRIC LE MENDIANT.

Octave voulut parler, Tanneguy lui imposa silence avec autorité.

— Taisez-vous, monsieur, dit-il d’une voix qui tremblait d’une colère mal contenue, car c’est peut-être aujourd’hui le jour de la justice… Je ne vous avais rien fait, moi, et du moment où vous êtes entré dans ma demeure, la honte, le désespoir, le malheur y ont pénétré à votre suite !… Taisez-vous, vous dis-je, car si je n’écoutais que la colère qui gronde dans ma poitrine, peut-être y aurait-il tout à l’heure en Bretagne un comte de moins et un criminel de plus.

Et comme en parlant ainsi il tourmentait d’une façon terrible le peu-bas retenu à son bras par une lanière de cuir, comme ses yeux s’injectaient de sang, et qu’un malheur allait peut-être arriver, Marguerite se jeta à son cou une seconde fois, et chercha à l’éloigner du lieu de cette scène.

— Laissez-moi ! dit le vieillard en repoussant rudement sa fille ; si les miens se font aujourd’hui les complices de nos ennemis les plus acharnés, je saurai bien défendre et venger seul l’honneur du nom que je porte… Or ça, monsieur le comte, répondez-moi et de suite et sans détour : Qu’êtes-vous venu faire dans cette ferme à cette heure ?

Octave s’était approché du vieillard ; il était ému, mais son cœur ne tremblait pas.

— Tanneguy, répondit-il d’une voix ferme, j’ai peut-être été la cause des malheurs qui vous ont frappé pendant les deux années qui viennent de s’écouler ; j’aimais Marguerite, et je ne pensais pas alors qu’aucun obstacle humain pût jamais s’opposer à notre union… Si vous saviez quelles douleurs ont été les miennes !… J’ai souffert sans accuser personne ; j’espérais toujours que, sûr de la sincérité de mon amour, vous me rappelleriez à vous, que vous me