tout horizon… Ah ! je pourrais raconter jour par jour les tristesses de ces deux années.
— Est-ce possible ?
— Mon père ne voulait pas me laisser sortir ; il prenait mille précautions pour que je ne fusse vue de personne. Il redoutait votre présence… J’ai dépassé bien rarement les limites de notre verger.
Octave ne répondit pas de suite ; les dernières paroles de la jeune fille avaient éveillé de singuliers doutes dans son esprit ; il pressentait vaguement la vérité, mais il frémissait en songeant qu’il pouvait encore se tromper.
Il reprit :
— Ainsi, dit-il avec anxiété, personne n’a passé le seuil de votre demeure pendant ces deux années ?
— Personne.
— Et vous vous rappelez, jour par jour, et vos tristesses et vos ennuis ?
— Parfaitement.
— Il n’y a dans votre souvenir aucune lacune ?
— Aucune.
— C’est étrange !
— Qu’avez-vous ?
— On m’avait dit…
— Quoi donc ?
— Tenez, Marguerite, pardonnez-moi toutes ces questions ; mais je vous aime, voyez-vous, je vous aime comme au premier jour, et tant que je vivrai, cet amour restera pur et inaltérable dans mon cœur… Eh bien !…
— Parlez.
— On m’avait dit qu’en quittant Saint-Jean-du-Doigt une cruelle maladie… que sais-je ? le délire…
Octave n’osa pas achever, il trembla de réveiller par une parole imprudente toutes les souffrances