— Avez-vous vu Marguerite ?
— Une fois.
— Et que pensez-vous de son état ?
Horace eut un singulier sourire à cette question ; il haussa les épaules et remua la tête :
— La médecine rend positif en diable, répondit-il, et je vous avouerai que j’hésite à me prononcer sur cette jeune fille.
— Comment cela ?
— Ah ! comment cela ! Mon ami, je n’en sais rien. On m’accorde généralement quelque mérite à la Faculté ; j’ai sauvé des malheureux que l’on avait déclarés incurables, et j’ai fait, dit-on, des miracles, moi, qui ne crois pas à ceux des autres ; eh bien ! à franchement parler, les quelques minutes que j’ai passées près de Marguerite m’ont amené à douter de moi-même et de la science.
— Expliquez-vous… dit Octave qui écoutait avec anxiété.
Horace parut se recueillir un moment, puis il reprit bientôt après :
— Voici, dit-il à voix lente et en pesant chacune de ses paroles ; la folie se manifeste d’ordinaire par des indices connus, que la médecine a classés, et que vous avez pu observer par vous-même ; tous les fous ont le sourire contracté, le regard vague et fixe, le geste heurté ; leur voix emprunte un accent guttural ; ils marchent d’une façon particulière ; ils écoutent sans entendre, ou ils entendent sans écouter ; tout le monde sait cela, et ces observations sont élémentaires. Eh bien ! chez Marguerite, je n’ai constaté aucun de ces indices.
— C’est vrai, interrompt Octave.
— Et cependant, poursuivit Horace, je la considérais bien plus en médecin curieux et indiscret, qu’en amoureux aveugle ; Marguerite regarde avec deux