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ÉRIC LE MENDIANT.

La pauvre enfant ne comprenait pas bien encore ce qui se passait dans son cœur ; elle s’étonnait naïvement de ces changements merveilleux, et s’effrayait même quelquefois, en admirant le triple diadème de jeunesse, de grâce et de candeur dont la nature couronnait son beau front.

Le vieux Tanneguy et sa fille marchèrent ainsi pendant une heure environ, le premier, saluant de la voix et du geste les paysans que l’aube matinale appelait aux champs, la seconde, envoyant un bonjour et un sourire aux jeunes filles du bourg qui partaient pour le marché. – Toutefois, il est bon de remarquer que ces échanges de politesse empruntaient, de la part des passants, un caractère particulier de contrainte et de froideur ; mais le père Tanneguy n’y prit point garde… Peu à peu, la route devint plus solitaire ; ils ne rencontrèrent, à de longs intervalles, que quelques voyageurs isolés, dont le visage leur était inconnu, et quand le soleil s’éleva à l’horizon, ils se trouvèrent seuls, à un endroit où la route se bifurque tout d’un coup.

Il y a, en cet endroit deux chemins qui conduisent par des détours différents, à un même but. L’un, plus roide et plus rocailleux, offre au voyageur les sites pittoresques, mais nus et désolés de la côte ; l’autre, qui n’est qu’un petit sentier creux, descend par une pente insensible jusqu’à la mer.

Le vieux Tanneguy se tourna alors vers sa fille, et lisant d’avance dans ses yeux :

— Margaït, lui dit-il, avec un tendre et paternel sourire, quel chemin prendrons-nous aujourd’hui ?…

Margaït battit des mains sans répondre, frappa la terre de ses petits pieds impatients, et s’élança en poussant un doux cri de joie vers le chemin creux.