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ÉRIC LE MENDIANT.

Horace remua la tête d’un air d’incrédulité.

— Tenez, mon cher ami, lui dit-il, voulez-vous que je vous parle franchement ?

— Parlez, fit Octave.

— Eh bien ! je crains que vous n’éprouviez plus pour Marguerite que cette sympathique pitié que nous inspire naturellement tout être qui souffre : vous avez aimé cette jeune fille avec l’ardeur d’une passion de vingt ans, et aujourd’hui que vous la retrouvez après deux années d’une séparation cruelle, aujourd’hui qu’elle vous apparaît pâle et triste comme Ophélia, c’est plutôt votre imagination que votre cœur qui se frappe ; votre générosité s’exalte, et vous vous laissez séduire par le côté chevaleresque de la mémoire que vous vous imposez. Croyez-moi, Octave, consultez-vous bien avant de vous engager plus avant dans cette voie ; songez que Marguerite est folle, et qu’elle ne pourra peut-être jamais être rendue à la raison ; songez que son père vous accuse de tous ses malheurs ; songez enfin quelle existence serait la vôtre, si vous persistiez dans votre résolution. Ne vaut-il pas mieux, dites, rentrer dans la vie ordinaire, et faire ce que mille autres ont fait avant vous… oublier ? Marguerite est perdue pour tous ; Dieu seul peut faire ce miracle de vous la rendre telle que vous l’avez connue et que vous l’avez aimée. Laissez donc le père Tanneguy dans cette solitude où il est venu s’enfermer avec sa fille ; reprenons notre bâton de voyage, et hâtons-nous de rentrer à Paris où l’on nous attend.

Octave avait écouté sans faire la moindre observation ; quand Horace eut fini, il lui prit les mains et les serra avec affection.

— Merci, lui dit-il d’un ton sérieux et grave, merci, mon ami, de vos conseils ; je les accepte comme je le dois, mais je ne puis les suivre. L’amour que j’ai