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ÉRIC LE MENDIANT.

Octave, est-ce possible ! ne me trompez-vous pas ?

Octave était déjà près d’elle, et serrait ses mains dans les siennes.

— Moi, moi, vous tromper, dit-il dans tout l’enivrement de sa joie… Oh ! Marguerite, ne me reconnaissez-vous donc point… ou ne m’aimez-vous plus ?

— Si ! si ! je vous reconnais ; c’est bien vous que j’avais cru perdu… qui m’avez oubliée, peut-être !…

Et Marguerite regardait Octave avec un air de doux reproche, et Octave ne pouvait se lasser de la contempler.

Ce dernier avait tout oublié, le vieux Tanneguy, Horace, Éric le mendiant ; il remerciait Dieu dans toute l’effusion de son cœur, d’avoir accordé à Marguerite assez de lucidité pour le reconnaître et l’aimer encore, ne fût-ce qu’une seconde.

— Si vous saviez, Marguerite, reprit-il après quelques minutes de contemplation muette, si vous saviez combien j’ai été malheureux depuis notre séparation ! Comme je me suis trouvé seul et triste, et que de larmes amères j’ai versées sur notre amour perdu !… Je vous ai cherchée à Lanmeur, mais vous étiez partie, et nul n’a pu me dire quelle route vous aviez suivie ; tenez, je vous aimais, moi, Marguerite, et, plus d’une fois, la pensée du suicide a troublé mes nuits.

— Octave ! interrompit la jeune fille avec un cri, et en se serrant avec épouvante contre son amant.

— Et croyez-vous, poursuivit ce dernier, que je n’eusse pas préféré cent fois la mort à cette existence que j’ai menée jusqu’à ce jour ? J’étais si seul au monde, et je craignais de ne vous revoir jamais. Pauvre Marguerite, ah ! vous avez dû bien souffrir vous-même !