Page:Zaccone - Éric le mendiant - Un clan breton, 1853 .djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
ÉRIC LE MENDIANT.

— Oh ! c’est une histoire…

— On la dit folle, n’est-ce pas ?

— Pour cela, mon bon monsieur, je l’ai souvent entendu dire.

— Est-ce que vous ne le croiriez pas ?

— Elle vit fort retirée, la pauvre enfant, et il est bien impossible de savoir ce qu’elle pense et ce qu’elle dit.

— Mais alors, pourquoi ces bruits ?

— Çà, c’est le père Tanneguy, un brave homme, voyez-vous, qui a quelquefois des idées singulières.

— Comment ?

— Mon avis à moi est que la pauvre jeune Marguerite n’est pas heureuse.

— Vous pensez donc que son père aurait poussé la cruauté jusqu’à la séparer des vivants ; qu’elle ne serait pas folle ?

— Je le pense.

— Mais alors, ce serait une action généreuse que de l’enlever à cette prison inique dans laquelle on l’enferme, où on la tue lentement.

Un sourire passa rapidement sur les lèvres d’Éric, et Octave se tut.

Son cœur battait avec précipitation : un espoir soudain s’était fait jour à travers ses irrésolutions, et ses regards fixement arrêtés sur les tourelles du manoir cherchaient à y découvrir celle qu’il aimait.

Cependant, malgré l’assurance d’Éric, malgré le désir qu’il nourrissait dans son esprit, il ne pouvait encore croire à cette révélation. Pourquoi le vieux Tanneguy, qui aimait tant sa fille, l’aurait-il ainsi cruellement condamnée à la solitude, à la folie ? Pourquoi Marguerite se serait-elle résignée à jouer ce rôle dont elle devait souffrir ? N’y avait-il pas, au contraire, mille raisons de croire qu’il en était autrement ? Et Octave lui-même n’était-il pas fondé à