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ÉRIC LE MENDIANT.

une pauvre enfant qui se serait trouvée seule au monde, et qui serait morte dans l’isolement et le désespoir.

— Vous avez une fille ?

— Un ange, monsieur, et c’est une grande bonté de Dieu d’avoir détourné le couteau de ce misérable, car, à l’heure qu’il est, Marguerite serait perdue.

— Marguerite ? s’écria Octave qui ne pouvait plus se contenir, et se précipita vers Tanneguy dont il prit les mains.

— Vous la connaissez ? fit ce dernier en retirant ses mains par un mouvement de défiance.

— Mais je suis Octave !… Tanneguy, Octave Kerhor ; ne me reconnaissez-vous pas ?

Le vieux Tanneguy se tut, regarda un moment Octave, qui se tenait debout devant lui, haletant, éperdu, attendant une réponse, et remua tristement la tête :

— Oui, vous êtes Octave, dit-il après un moment de silence, je vous reconnais bien maintenant. Sans le vouloir sans doute, monsieur, c’est vous qui avez attiré sur nous tous les malheurs que nous déplorons… Marguerite est maintenant perdue pour vous, comme elle est perdue pour le monde.

— Que dites-vous ?

— Je dis, Monsieur Octave, que vous êtes un gentilhomme, et que j’attends de votre honneur que vous n’irez pas plus loin sur cette route, quand je vous aurai appris que Marguerite est à deux pas d’ici.

— Mais je l’aime !

— C’est un aveu que vous m’avez déjà fait, jeune homme, et aujourd’hui comme il y a deux ans, cet aveu, je le repousse.

— Ah ! c’est de la cruauté.

— Non, de l’humanité, monsieur.