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ÉRIC LE MENDIANT.

— Mais je l’aime ! interrompit Octave ; mon seul désir est de faire de Marguerite ma femme devant Dieu et devant les hommes !

Tanneguy haussa les épaules, et sourit :

— Que vous l’aimiez, monsieur, répondit-il, c’est possible : mais que vous ayez l’intention de l’épouser, c’est faux.

— Pourtant…

— C’est faux, vous dis-je, car vous savez bien, comme moi, que Mme  la comtesse de Kerhor ne consentirait jamais à une pareille union. Et cependant, poursuivit Tanneguy, toujours avec la même gravité triste, il fut un temps où les Tanneguy eussent peut-être hésité, eux aussi, à contracter une alliance avec les Kerhor. Mes ancêtres m’ont légué à moi aussi, monsieur le comte, un blason que je n’étale pas aux yeux du monde, mais dont je suis fier, et je ne permettrai à personne, à personne, entendez-vous, de le souffleter impunément !

Et comme Octave demeurait interdit et muet, le vieux Breton continua :

— C’est le malheur des temps, monsieur le comte, dit-il, les jeunes gens d’aujourd’hui, qui, à l’âge de vingt ans ne croient plus à l’amour, à la fidélité, à la loyauté, à l’honneur, s’arrogent le droit de porter insolemment le trouble et la honte dans les familles… Que leur importe à eux la vieillesse du père ou la pureté candide de la fille ; ils vont droit leur chemin, sans s’inquiéter de ce qu’ils laissent derrière. Mais il peut se trouver cependant, et j’en suis une preuve vivante, monsieur le comte, un homme, un vieillard, que de pareilles actions révoltent, qui a encore dans les veines un sang jeune et vigoureux, et qui, au besoin, ne l’oubliez pas, saurait venger par l’épée, et d’une main sûre, l’outrage fait à son honneur ! Allez donc, monsieur