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ÉRIC LE MENDIANT.

enfance, de tous les soins, de toutes les fantaisies qui flattent l’esprit, et cependant, son cœur ni son esprit n’en avaient été gâtés. Il s’était développé au milieu de ce monde de luxe, sans se laisser entraîner sur la pente si douce des plaisirs faciles que le monde tolère, et à vingt ans, il avait encore sa première pureté, et aucune séduction ne l’avait entraîné au-delà des limites sacrées de l’honneur et du devoir.

Octave avait aimé Marguerite dès le premier jour ; il avait bien senti le trouble pénétrer dans son cœur, avec ce nouveau sentiment ; mille désirs impatients avaient vingt fois sollicité sa jeunesse ; mais la passion ne l’avait pas emporté jusqu’à l’aveuglement, et jamais la pensée ne lui était venue de ternir la chasteté de son amour par une trop vive ardeur de la possession.

Pour Marguerite, nous l’avons dit, les choses s’étaient passées autrement. Pour elle, en effet, la vie n’avait pas toujours eu des joies sans amertume ; privée, dès sa plus tendre jeunesse des caresses d’une mère chérie, elle avait vécu, un peu isolée, quelquefois même, en proie à des découragements indéfinissables. L’amour de son père ne lui avait pas toujours suffi. Puis, un soir, elle avait vu Octave, et elle l’avait aimé. Cela s’était passé aussi simplement que nous le racontons. Elle crut lire dans les yeux du jeune homme qui se rapprochait d’elle, une pitié tendre qui s’adressait à sa souffrance cachée, une promesse de bonheur qu’on lui envoyait pour l’aider à supporter ses douleurs secrètes, et elle, la pauvre enfant naïve, s’était laissé prendre à la joie, à l’espérance, à la vie, en rencontrant cette chaste sympathie. Il y avait dans le cœur d’Octave trop de pur amour, pour que l’idée lui vînt de faire rougir Marguerite.