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ÉRIC LE MENDIANT.

plus parler de ce qui est arrivé, je veux seulement te donner un avertissement pour l’avenir !… Il est possible que quelqu’un te paye pour venir espionner ce qui se passe chez moi, mais c’est une chose que je ne puis souffrir davantage, et que j’ai la ferme intention d’empêcher.

— Et comment donc cela ? interrompit Éric avec un sourire presque moqueur.

— En te défendant d’approcher de la ferme, répondit Tanneguy.

Éric haussa les épaules :

— Est-ce que ça se peut, ça ? dit-il en jouant avec son bâton ; je vais à Lanmeur tous les jours, et il n’y a que le bon Dieu qui puisse m’empêcher d’y aller.

— C’est ce que nous verrons, fit Tanneguy, qui s’enivrait peu à peu de sa propre colère.

— Oh ! c’est tout vu !…

— Tu viendras ?

— J’irai !…

— Même si je te le défends ?…

— Surtout si vous me le défendez.

— Misérable ! s’écria Tanneguy.

Et sa figure prit aussitôt une expression terrible ; ses yeux s’injectèrent de sang, et il leva son bâton noueux sur la tête du mendiant.

Ce dernier n’avait pas bougé ; seulement sa main s’était doucement glissée dans la besace qui gisait à ses côtés, et il en retira un instant après une sorte de mauvais pistolet de poche qu’il y tenait constamment caché.

Cependant, la colère de Tanneguy semblait s’être éteinte aussi vite qu’elle s’était allumée, et son arme demeura un moment suspendue sur la tête d’Éric, sans qu’il pût se résoudre à la laisser retomber.