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ÉRIC LE MENDIANT.

La physionomie de Tanneguy avait revêtu, pendant qu’il parlait, un caractère particulier d’ardente colère qui parut inquiétant à Éric.

Toutefois, il surmonta cette inquiétude passagère, et essaya un sourire modeste.

— On vous a trompé sur mon compte, monsieur Tanneguy, répondit-il ; je vas et viens à travers le pays, vivant des aumônes de tous, et l’idée ne m’est jamais venue de dire du mal de ceux qui me donnent !… Sans doute j’apprends et je vois beaucoup de choses en voyageant ainsi, et quand je rentre le soir dans ma pauvre cabane, j’ai souvent la mémoire bien plus remplie que ma besace ; mais je prends le bon Dieu à témoin que jamais il ne m’est arrivé de raconter ce que j’apprenais ou ce que je voyais…

— Cependant on me l’a dit… objecta Tanneguy.

— On vous aura trompé, repartit le mendiant qui reprenait peu à peu toute son assurance, et voyez-vous, ajouta-t-il avec une sorte de complaisance nonchalante, il y en a qui m’aiment au pays et il y en a qui ne m’aiment pas… Les uns disent du bien de moi, les autres disent du mal… c’est une chose qu’on ne peut pas empêcher, monsieur Tanneguy, et quand on a la conscience honnête, et qu’on croit n’avoir rien à se reprocher, on va toujours son chemin, sans s’inquiéter des mauvaises gens, et des mauvais propos…

Tanneguy s’arrêta à deux pas d’Éric.

Les paroles du mendiant ne l’avaient pas calmé, ses sourcils s’étaient rapprochés, ses dents mordaient ses lèvres avec une fureur mal contenue.

— C’est bien, dit-il d’un accent impérieux et comme s’il eût voulu imposer silence au mendiant, c’est bien, tu n’es pas coupable… tu n’as rien dit, on m’a trompé… puisque tu l’assures, je te crois ; je ne veux