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ÉRIC LE MENDIANT.

Éric le regardait stupidement, et comme s’il eût vainement cherché à comprendre le sens de ses paroles.

— De moi ? répondit-il avec un étonnement admirablement joué ; moi, monsieur Tanneguy, je suis un pauvre mendiant, qui doit son existence à la charité des habitants de la côte. Je serais trop heureux de pouvoir vous être utile à quelque chose…, et je le répète, pour cela je suis votre homme.

— Soit ! fit Tanneguy en réprimant un mouvement d’impatience, vous vous obstinez à ne pas comprendre le sens très-clair de mes paroles, eh bien ! je parlerai avec encore plus de clarté… Écoutez moi donc, maître mendiant, et retenez bien surtout ce que je vais vous dire, car je vous l’assure, il pourrait vous en coûter cher de l’oublier.

En parlant ainsi, le vieux Breton serrait son peu-bas dans sa main crispée ; ses sourcils se fronçaient, et ses regards lançaient d’ardentes étincelles.

Éric cependant suivait chacun de ses mouvements avec une impassibilité vraiment remarquable.

Tanneguy reprit :

— Il m’est revenu, dit-il d’une voix ferme et brève, que vous ne vous contentiez pas, dans vos courses de vagabond, d’implorer la charité publique, et que vous ajoutiez encore à ce métier celui d’espion et de calomniateur.

— Moi ? fit Éric, qui se sentit pâlir malgré lui.

— Vous ! poursuivit Tanneguy, vous, Éric, le mendiant !… Et ce qu’il y a peut-être de plus lâche et de plus infâme dans ce rôle que vous jouez, c’est que vous vous gardez bien de vous en prendre à ceux qui pourraient vous faire taire en vous châtiant, ou se venger en vous tuant, et que vous vous attaquez de préférence à des enfants qui n’ont d’autre défense que leurs larmes, ou d’autre refuge que leur silence !