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ÉRIC LE MENDIANT.

— Est-ce qu’il serait survenu quelque changement dans votre position ?

— Il ne s’agit pas de moi.

— Et de qui donc ?

— De vous, mon ami.

Tanneguy regarda l’abbé avec étonnement ; jamais il ne l’avait vu si grave, et il sentait une vague terreur monter de son cœur et troubler déjà son esprit.

Pourtant, il tenta de faire bonne contenance.

— Eh bien ! reprit-il après un moment de silence donné à la surprise et à l’étonnement, je suis heureux de vous avoir épargné le voyage ; je suis prêt à entendre ce que vous aviez à me dire !… et croyez bien d’avance que vous me trouverez tout disposé à suivre vos bons conseils.

Le vieil abbé sembla alors se recueillir, puis il reprit :

— Je ne sais, mon ami, dit-il, si vous connaissez au pays un homme que l’on a pris l’habitude de désigner sous la dénomination d’Éric le mendiant

— Je le connais, répondit Tanneguy en fronçant le sourcil.

— Cet homme, poursuivit l’abbé, parcourt journellement les communes de la côte, et il va partout, semant les nouvelles bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses, qu’il a recueillies sur son chemin.

— Je lui ai souvent fait l’aumône, et Margaït aussi !… objecta Tanneguy…

— Cela ne m’étonne pas !… il prélève dans la contrée une dîme considérable, dont j’ai ouï dire qu’il faisait mauvais usage. C’est, je crois, une nature perverse, mais cet homme n’est pas seulement méchant, il est encore très dangereux.

— Je le sais !… fit Tanneguy.