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mandé, et de mourir les armes à la main dans quelque bataille mémorable, comme celles qu’il livrait aux Allemands ses voisins.

Il y avait alors à notre cour une enfant du nom d’Œlla que mon père avait recueillie ; elle avait une belle chevelure blonde, et de beaux yeux bleus, comme presque toutes les jeunes filles à la race à laquelle elle appartenait. J’avais été élevé près d’elle, nous avions appris ensemble les jeux de l’enfance, et je la regardais comme ma sœur ; quand mon père ne m’emmenait pas avec lui, quand je n’assistais pas aux fêtes qu’il donnait à ses vassaux de noble origne, je passais mes journées entières près d’Œlla et je l’écoutais parler sans m’apercevoir du temps qui fuyait avec rapidité. Elle se souvenait encore des pays des Francs, racontait les exploits de son père, et chantait les ballades des bardes du Nord. — En l’écoutant, j’oubliais et mon père et l’avenir, et je ne pensais pas même alors qu’Œlla était une pauvre fille sans domaines, qui ne pourrait jamais devenir ma femme, du moins tant que mon père vivrait !

Parmi les seigneurs qui fréquentaient la cour et venaient souvent s’asseoir à la table du roi, il y en avait un dont j’avais remarqué les attentions pour Œlla ; c’était un seigneur d’origine gauloise, astucieux, méchant, qui s’était attaché à la fortune des nouveaux conquérants, espérant relever ainsi sa fortune propre que la conquête avait détruite. Œlla redoutait cet homme, et évitait toutes les occasions où elle pouvait se rencontrer seule avec lui. Cependant, elle ne m’en avait point parlé, car elle craignait d’allumer dans mon cœur une colère terrible, qui, selon ses prévisions, devait attirer de grands malheurs sur ma tête.

Un jour donc, c’était le jour du Seigneur, je sor-