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II

Un jour est venu cependant où la fortune a trahi Arthur, le prince puissant de l’Hibernie.

« Des cohortes d’ennemis se sont précipitées sur ses domaines, avec la rapidité de l’aigle dont elles portaient l’emblème.

« Et les innombrables guerriers qui lui étaient soumis se sont révoltés, et son épée terrible et redoutée s’est brisée entre ses mains.

« Il erre sur une terre qui lui est inconnue, et les hommes qu’il rencontre ne parlent pas la langue de ses pères.

« Et il arrose de ses larmes le pain amer de l’exil… Car on lui a ravi sa riante et belle épousée, l’épousée qu’il aime de toutes les puissances de son âme.

« Et cependant la douce lune qui les avait vus s’unir n’avait pas encore achevé son cours. »

Ce chant lent et plaintif avait jeté dans l’âme de ses auditeurs une sorte de disposition à la rêverie qui leur faisait garder le silence, bien que leurs cœur fût plein de pensées près de s’échapper de leurs lèvres ; le seigneur franc était vivement ému ; un moment même, ses larmes coulèrent si abondamment de ses yeux, qu’il se vit contraint de se voiler le visage avec un pan de son manteau, et de retenir les sanglots qui s’échappaient avec force de sa poitrine. Pialla et le comte Érech le regardèrent avec étonnement, et l’un et l’autre ne purent trouver une parole de consolation. Cependant le vieillard rompit le premier le silence, et après avoir renvoyé le barde :

— Mon fils, dit-il au guerrier franc, ton infortune est donc bien lourde, et la douleur qui emplit ton