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UN CLAN BRETON.

la protéger que le vieux comte Érech qui chaque jour, s’inclinait davantage vers la tombe. Elle vint à penser que, lui mort, elle se trouverait seule parmi ces hommes dont la vie semée d’aventures et de combats effrayait son cœur craintif, et elle eut peur.

Le temps se passa ainsi sans qu’elle songeât à rien autre chose qu’aux frayeurs prophétiques qui l’envahissaient de toutes parts. Ses femmes rangées à quelques pas, s’occupaient de travaux de ménage ; les unes brodant de riches tuniques pour leur seigneur les autres préparant la laine et le lin.

Bien que nous ayons affaire à un siècle primitif, il ne faut pas croire, en effet, que les arts et l’industrie y fussent complètement ignorés. La loi kymerique, que les Bretons venus de l’île avaient importée dans l’Armor, entre à ce sujet dans des détails fort curieux que nous regrettons de ne pouvoir placer ici. Cette loi assignait certaines époques pour ensemencer les champs ; elle disait les espèces de graminées qu’il faut jeter à la terre ; elle ordonnait de fermer les prairies des calendes d’avril aux calendes de novembre, et interdisait les forêts aux porcs depuis la Saint-Michel jusqu’à l’Épiphanie. On croirait à peine toute la sollicitude que l’on témoignait à l’agriculture. Le législateur pensait sans doute, avec raison, que le meilleur moyen d’attacher les hommes à la terre, c’est de témoigner à celle-ci de hautes marques d’intérêt.

En ce moment, on entendit s’élever au loin une immense clameur qui fit retentir les séculaires échos de la forêt. Pialla tressaillit, et son cœur s’emplit d’épouvante : toutes les femmes, abandonnant subitement leur ouvrage, vinrent se réfugier autour d’elle, et les serfs accoururent également à ses côtés, la plupart pressentant un danger proba-