Page:Zévaco - Les Pardaillan - L'épopée d'amour, 1926.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

par la meurtrière. Quel horrible soupçon traversa donc son esprit ?

Catherine était toujours armé d’un court poignard acéré, arme florentine dont la lame portait d’admirables arabesques, bijou terrible dans les mains de la reine.

Et Ruggieri frémissait d’épouvante.

Car, la point de ce poignard, il l’avait trempée lui-même de subtils poisons, et une seule piqûre de ce précieux objet d’art était mortelle.


Qui sait si la terrible reine ne l’eut pas, cette pensée d’allonger subitement son bras et de frapper ?

Quoi qu’il en soit, elle demeura immobile.

Onze heures sonnèrent, puis la demie.

Enfin, comme le dernier coup de minuit s’envolait lourdement par les airs, la reine de Navarre quitta la maison d’Alice de Lux.

Le cou tendu, éperdu d’angoisse, le comte la vit venir sans pouvoir faire un pas.

Catherine s’apprêta à écouter.

Mais Jeanne d’Albret, s’étant approchée du comte de Marillac, lui dit simplement :

"Venez, mon chez fils, nous avons à causer sans retard…"

Et tous deux s’éloignèrent alors…

Lorsqu’ils eurent disparu, Catherine de Médicis murmura :

"Maintenant, tu peux allumer ton flambeau."

L’astrologue obéit. Et il apparut alors livide, quoique sa main n’eût pas un tremblement et que son regard fût calme. Catherine, l’ayant considéré attentivement, eut un haussement d’épaules et dit :

"Tu as pensé que j’allais le tuer ?

— Oui, dit l’astrologue avec une effrayante netteté.

— Ne t’ai-je pas dit que je ne voulais pas sa mort ? Qu’il peut m’être utile ? Tu vois que je ne veut pas le frapper, puisqu’il vit encore après ce que nous venons d’entendre… As-tu entendu toi ? Il sait que je suis sa mère ! "

L’astrologue garda le silence.

"Jusqu’ici, j’ai voulu douter ! Maintenant, c’est fini. Lui-même a parlé. Il sait, René !…"

Pour tout autre que Ruggieri, ces paroles de Catherine